Prédication

Dans la tradition franciscaine, la prédication est une part importante de l’apostolat. Les frères sont disponibles pour prêcher des retraites paroissiales, des week-ends ou journée de ressourcement spirituel, des conférences, etc…
Le frère Denis-Antoine particulièrement, donne des conférences ou prêche des retraites un peu partout au Canada, en Europe et en Afrique.

Jésus nous dit : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
(Luc 12,49)

« Traits essentiels de la spiritualité franciscaine. »
(prédication de frère Denis-Antoine, fe)

Cela nous fait vraiment plaisir, mes frères et moi, d’être avec vous ce soir en cette fête de la vie consacrée. Merci à Sœur Cécile du Centre vocationnel qui nous a invités. On nous a demandé de vous entretenir sur la spiritualité franciscaine. Le temps est court, je devrai donc aller à l’essentiel, car il y aurait tant à développer…

Dans un premier temps je vais dégager les traits essentiels de ce qui est commun de la spiritualité franciscaine pour toute la grande Famille Franciscaine. Et dans un deuxième temps je vous parlerai de ce qui est plus spécifique à notre Fraternité.

Tout commence avec François d’Assise qui a fait une rencontre qui bouleversera toute sa vie. En premier lieu, je dirais que la spiritualité franciscaine ou le charisme franciscain est fortement lié à la conversion évangélique de saint François. Dans le franciscanisme, la personne de François est très présente, il est un itinéraire vivant, dynamique, qui nous entraîne sur le chemin de la foi, une foi vécue radicalement comme le centre qui anime toute une vie. L’expérience spirituelle de François inspire et oriente profondément la vie de ses fils et de ses filles; il est le père spirituel, le père de la Famille. En ce sens, il est un maître de vie spirituelle.

François a vécu fortement son expérience spirituelle, et nous avons un bon compte rendu historique par quelques uns de ses contemporains qui l’ont connu. Lui-même François nous a laissé quelques écrits. Ce qui me semble fondamental dans la spiritualité franciscaine et qui colore l’ensemble de cette vie franciscaine, c’est la pénitence. Vivre en « pénitence » dans le sens évangélique du terme, c’est-à-dire de se donner totalement à une conversion permanente selon l’Évangile. La « pénitence joyeuse » franciscaine englobe toute la vie de François et de ses disciples. Elle est comme le terrain sur lequel s’édifie la construction d’une vie toute tendue et vouée à Dieu. La pénitence franciscaine est dite joyeuse car elle est vécue comme une libération, le fruit d’une vie donnée par amour et qui désire n’être qu’avec Celui qui n’est qu’Amour ; c’est le trésor précieux trouvé dans le champ et que l’on veux posséder…

Pour être bref, je pourrais résumer l’expérience évangélique de François en 5 points. Ce sont les 5 fondements du charisme franciscain. Ce sont comme les 5 couleurs ou les 5 piliers sur lesquels le charisme franciscain s’appuie, et qui sont les mêmes pour tous les membres de la Famille Franciscaine :

1- PAUVRETÉ

François est saisi et séduit par ce Dieu qui s’abaisse pour se faire homme, tout petit, et qui naît pauvre dans une crèche. Lui de riche qu’il était a voulu s’incarner dans le sein de la Vierge Marie. Cela le marque profondément et il veut suivre ses traces. Comme lui il décide volontairement de se dépouiller de tout bien matériel et imite la vie et les exemples du Christ pauvre avec les pauvres. Il dit dans une lettre aux sœurs de sainte Claire d’Assise (RCI) :

« Moi le petit frère François, je veux imiter la vie et la pauvreté de notre très haut et très saint Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Mère, et j’y veux persévérer jusqu’à la fin. »

La passion de François pour Dame Pauvreté sera le lieu pour lui de son imitation du Christ pauvre et un fruit de sa relation mystique avec Dieu. Sa vie de foi et sa contemplation en seront marquées et le conduiront à une « conversion » aux pauvres. Il voudra vivre et être avec les pauvres, plus, il voudra vivre en pauvre. Il est entré dans la voie de la pauvreté le jour où il a voulu suivre les traces de son Seigneur. Il ne pourra plus concevoir autrement sa vie chrétienne. La motivation qu’il donnera de cette volonté de vivre pauvre s’enracine dans ce désir de se conformer par amour au Christ. Il dira :

« Mes frères, le Fils de Dieu était beaucoup plus noble que nous et, cependant, il s’est pour nous fait pauvre en ce monde. Par amour pour lui nous avons choisi le chemin de la pauvreté. »

François contemple toute sa vie, émerveillé, le visage de Dieu révélé en Jésus. Il le voit naître comme un pauvre dans la crèche, méconnu. Il le voit vivre comme un pauvre, pèlerin, n’ayant pas une pierre où reposer la tête. Il le voit mourir comme un pauvre, méprisé et crucifié avec les brigands… C’est pour lui un choc permanent. Il ne pourra s’habituer à cette incarnation de l’amour. La pauvreté franciscaine n’est donc pas simplement la décision de rejoindre une classe sociale déterminée. Elle n’est pas uniquement un choix pour contester un système de société, ni même un acte d’ascétisme. Elle n’est pas vécue comme une solidarité pour donner aux pauvres, mais plutôt une voie d’imitation d’amour du Christ en vivant comme Lui pauvre AVEC les pauvres. Elle est avant tout une manière de suivre le Christ; la pauvreté devient l’attitude évangélique fondamentale, celle du Fils Jésus devant son Père, Lui qui était tout entier voué aux affaires de son Père. Ce trésor qui donne accès aux biens du Royaume, François le défendra jalousement. Cette pauvreté est un don de l’Esprit lié à la foi et à l’amour. L’âme de la pauvreté franciscaine est l’amour. Un amour « déraisonnable » qui a besoin de s’identifier à celui qu’il aime. Plus le frère s’attache à la personne du Christ, plus il se détache de ce qui n’est pas Lui. Sa pauvreté jaillit de l’amour et conduit à l’amour. La pauvreté ainsi vécue est joyeuse parce qu’elle rend libre. Elle donne une liberté du cœur.

2- MINORITÉ-HUMILITÉ

Être mineur (minores en latin veut dire petit). Suivre le Christ pauvre conduit nécessairement à vivre comme lui, selon les sentiments qui l’animait. La minorité c’est de vivre humblement comme les petits de la société, ceux qui sont exclus, les sans voix, les sans pouvoirs. François nous conduit à suivre le Christ dans son abaissement et à vivre la béatitude des pauvres en esprit. Il dira à ses frères de se réjouir lorsqu’ils se retrouvent parmi les laissés pour compte de la société, car il voyait en eux un signe du Seigneur. L’esprit de minorité nous amène à vivre cet esprit de l’humble serviteur. La pauvreté matérielle est nécessaire à la pauvreté spirituelle vécue en conformité avec le Christ, sinon ce ne serait que de la mascarade. La pauvreté matérielle est nécessaire à la pauvreté spirituelle pour François. Les deux vont ensemble. Un jour la commune d’Assise a construit un modeste couvent aux frères. Lorsque François le voit, il monte sur le toit et commence avec force à le détruire. Après que l’on eut expliqué qu’il appartenait à la ville, il cessa sa destruction, mais dit ceci : « oui, mais si nous avons des biens, il nous faudra des armes pour les défendre (2C 57.58 et 3S, 35 b). » Voilà la logique de François. La pauvreté franciscaine conduit à cette désappropriation intérieure. Nos tendances à l’égoïsme, à vouloir tout contrôler, à l’orgueil et à la suffisance, sont pour François des ennemis qui nous encombrent dans notre suite du Christ. La pauvreté et l’esprit de minorité nous désarment face à nos soifs de pouvoir sur les autres et nous libèrent dans la rencontre de l’autre. L’autre n’est plus une menace pour nous, et moi je ne suis plus une menace pour l’autre. En étant désarmés nous devenons désarmants. La pauvreté me libère pour vivre profondément mon humanité. Les fruits de cette pauvreté et de cette minorité franciscaine sont : simplicité, liberté, joie, paix et charité.

3- FRATERNITÉ

La fraternité universelle, avec tous, est un des fruits qui caractérise le franciscanisme. Être un frère, une sœur, envers tous et toutes, est un des défis de l’Évangile. L’expérience de la pauvreté et de la minorité conduit à devenir fraternel avec toutes les créatures de Dieu. Pour François, la fraternité s’enracine dans le mystère même de la paternité de Dieu dont Jésus est le dévoilement. François a été saisi par la paternité de Dieu : Dieu est Père. Au commencement de tout, il y a la gratuité de l’amour. Cela change tout, tout a une source, tout a une signification, tout a un but. La paternité de Dieu rend la fraternité possible. Fraternité d’accueil de l’autre comme un don de Dieu. Les peurs peuvent disparaître car nous sommes les enfants aimés du Père, en Jésus notre Frère, et nous pouvons apprendre à nous aimer comme des frères. Tout être humain est notre frère et un signe et un don de Dieu. Même les animaux et toute la création me parlent de Dieu, ils en sont les signes du Très-Haut. Le respect et l’amour de François et de ses disciples pour toutes créatures prennent sa source en cette réalité que Dieu est à l’origine de toutes choses créées.

4- PRIÈRE-contemplation-louange

Fréquenter le Christ dans les Écritures, dans les sacrements, dans la contemplation, fait partie de la spiritualité franciscaine. Prière prolongée, prière amoureuse. L’oraison franciscaine, qui est affective mais non sentimentale, cherche moins ce qui séduit l’intelligence que ce qui éclaire, stimule et fortifie la volonté d’amour. La prière nous introduit dans la familiarité avec le Christ et nous fait tendre à la plénitude de l’amour filial envers le Père. Elle est nourrit de l’Écriture et de la contemplation. La prière franciscaine est sobre et normalement dépouillée. L’ermitage, seul et en silence, fait aussi partie de l’expérience spirituelle franciscaine.

5- SENS de l’Église

Le charisme franciscain est intimement lié à la vie de l’Église. Ce charisme franciscain se fonde sur cette parole à l’origine de la vocation de François. Lorsqu’il priait devant le crucifix de saint Damien au tout début de sa conversion et qu’il demandait ce qu’il devait faire, la voix du Christ se fit entendre ainsi :

« Va François, et répare mon Église qui tombe en ruine… »

La vocation franciscaine ne peut se vivre en dehors de l’Église. François avait un amour profond envers les Pasteurs de l’Église comme envers toutes personnes. Il disait que si un ange ou un saint lui apparaissait à côté d’un simple prêtre, même pécheur, il irait d’abord embrasser les mains du prêtre, car lui seul consacre le Pain et le Vin à l’Eucharistie. Travailler à bâtir l’Église par l’amour, l’humilié, l’exemple de vie évangélique et par la parole. Bâtir l’Église dans les cœurs, la faire aimer car elle est l’Oeuvre du Christ, Lui qui s’est livré tout entier pour Elle. François a mis sa Famille spirituelle sous la protection de l’Église et désirait que ses frères et sœurs vivent en catholiques.

Voilà brièvement, les 5 fondements qui caractérisent la spiritualité franciscaine. Il y aurait tellement d’autres choses à dire, mais le temps passe…

Nous, les Frères Franciscains de l’Emmanuel, nous sommes une nouvelle communauté à l’intérieur de la Famille Franciscaine. Fondés à Montréal en 1985, nous sommes maintenant reconnus canoniquement comme Association de Fidèles avec la personnalité juridique par l’Archevêque de Montréal, le Cardinal Jean-Claude Turcotte, depuis novembre 2003. Au Québec en 2022, nous sommes 4 frères réguliers, 5 membres séculiers et 12 Amis associés. Au Cameroun, nous avons 22 frères réguliers et aussi 65 membres séculiers, ainsi qu’environ 40 Amis associés.

Nos Statuts commencent ainsi :

« Dieu est Père, il a tant aimé le monde, qu’Il a envoyé son Fils unique pour qu’Il devienne notre Frère. »

Être un frère, une sœur avec tous et envers toutes les créatures. Cela est tout un défi au quotidien et ça se traduit pour nous en vivant le ÊTRE ET LE VIVRE AVEC notre prochain, les jeunes et les plus démunis de notre société. Vivre la proximité avec tous dans un esprit de compassion et de partage de notre trésor : l’Amour de Dieu. Notre mode de vie franciscain en est un de prière intense et d’adoration eucharistique quotidienne, de vie fraternelle et une vie de pauvreté plus radicale. Nous intégrons 2 vocations dans la Fraternité : il y a les frères consacrés internes, qui vivent en communauté contemplative et missionnaire, et qui professent les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Et il y a les membres externes, qui sont des laïcs qui vivent dans leur réalité séculière leur vocation franciscaine de l’Emmanuel, soit dans le célibat consacré ou bien dans le sacrement du mariage, ou encore comme membre du clergé diocésain.

Notre mission d’Église, particulièrement les frères internes, est l’évangélisation des jeunes et le service des plus démunis.

A Montréal nous accueillons à notre maison des jeunes qui vivent avec nous un cheminement humain et chrétien en participant à notre vie communautaire selon leur disponibilité. Il y a d’autres activités de croissance spirituelle aussi avec des jeunes. Nous sommes dans un quartier assez pauvre, nous travaillons donc beaucoup avec des personnes démunis et nous accueillons aussi régulièrement des jeunes blessés de la vie ou des jeunes sans-abris dans notre dortoir.

Je vous remercie pour votre écoute et que Dieu vous bénisse.

frère Denis-Antoine, fe


« La miséricorde, offrande de Dieu pour son peuple. »
(Prédication avril 2023 de frère Denis-Antoine, fe)

Tout au long du carême, vous avez médité sur le thème : Goûtez – Voyez – Comme est bon le Seigneur – Heureux – qui s’abrite en Lui. Ce soir nous voyons le sous-thème : La miséricorde, offrande de Dieu pour son peuple.

C’est l’histoire d’un jeune homme qui raconte ses aventures et comment il s’est éloigné de la maison paternelle. Après avoir expliqué toutes ses histoires et comment il a quitté sa famille sans donné de nouvelles, il se confie à un ami. Il lui avoue qu’il a la nostalgie de son père et qu’il voudrait bien rentrer chez lui. L’ami lui conseille d’écrire à son père en lui demandant s’il veut bien le recevoir et, dans l’affirmative, de mettre un mouchoir blanc dans une branche de l’arbre devant la maison, ce sera le signal qu’il sera reçu. Le jour arrive où le jeune homme approche de la maison familiale et en tournant le coin de la rue, il voit l’arbre devant la maison avec des dizaines de mouchoirs blanc.

Dieu est miséricorde, car il est PÈRE. Les qualités paternelles d’un père ne peuvent qu’être un cœur de compassion, de bonté et d’amour. Un père est celui qui prend soin, qui protège et assure le bien-être de ceux qui sont sous sa protection. Dans la Bible, nous voyons une évolution du peuple d’Israël dans la compréhension de la miséricorde de Dieu, passant du Dieu Tout-Puissant, du Dieu des armées au Dieu de la HESED, de la compassion miséricordieuse de Dieu envers l’humanité. La HESED en hébreux signifie une compassion qui vient des entrailles. Dieu descend dans notre réalité de misère et se laisse toucher de compassion envers nous.

En latin : MISERI – COR : C’est le cœur vers le pauvre. Un cœur qui bat pour la misère. Thomas d’Aquin explique que la miséricorde signifie un cœur rendu misérable par la misère d’autrui. C’est la compassion pour toutes les formes de souffrances, c’est le pardon généreux envers qui se repend, c’est un cœur ouvert, bienveillant, patient. Cela ne se réduit pas à des sentiments ou à de l’émotion, mais avant tout une attitude et un engagement de la volonté et une manière d’agir.

La miséricorde c’est l’être intime de Dieu, son cœur de Père, son attribut ultime et l’expression la plus haute de sa justice. C’est Dieu saisi aux entrailles par ma pauvreté qui vient vers moi pour me délivré, me libéré, me redonner ma dignité de fils – de filles de Dieu.

Les Constitutions de notre Fraternité franciscaine commencent par cette parole de fondation : ‘’Dieu est Père. Il a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique pour qu’Il devienne notre Frère.’’ Cette parole fonde notre charisme franciscain de vivre la fraternité universelle selon l’esprit de saint François, en étant présence du Christ-Frère dans le monde. Pour moi, le plus grand acte de miséricorde du Père est le don de son Fils, son Unique, qui vient habiter avec nous pour nous sauver et nous ouvrir les portes du Ciel. Par sa venue, le Christ est le révélateur du vrai visage de Dieu, comme Père, un Père aimant et qui veut notre Bien. Ce vrai Bien est de nous amener à vivre une communion intime avec Dieu-Trinité. Jésus nous montre le vrai visage du Père : Qui me voit, voit le Père, dit Jésus.

Jésus est le Sauveur, nous le savons, mais, comme le dit le théologien Sesboüé, nous pensons rarement que Jésus est le prototype de l’être sauvé. C’est-à-dire, Jésus est le modèle parfait de ce que signifie être sauvé. En regardant Jésus, en le contemplant, en prenant exemple sur Lui et en vivant selon son enseignement, nous pouvons parvenir à la ressemblance de Celui qui est LE SAUVÉ, l’Homme parfait, celui que nous sommes appelés à devenir par notre baptême.

Jésus sur la Croix – Jésus qui donne sa vie pour notre salut et accepte de mourir sur la Croix, est la révélation ultime de la miséricorde divine. Dans le silence de Jésus sur la Croix, Dieu nous crie son amour et nous montre jusqu’où Il est prêt à aller pour nous dire combien Il nous aime. Elle est là la source de la miséricorde et c’est ça l’Eucharistie. L’Eucharistie est la continuation dans le temps de l’unique sacrifice de Jésus sur la Croix. L’Eucharistie c’est la passion – résurrection de Jésus. C’est la plus grande manifestation de la miséricorde de Dieu. Dans l’Eucharistie nous puisons à la source des miséricordes de Dieu qui se donne – qui se livre tout entier et qui demande de se donner aussi en retour. C’est un échange d’amour.

L’expérience de Dieu est une rencontre avec la miséricorde. Je ne peux m’empêcher de vous parler de saint François, car pour lui, la miséricorde est la vertu de Dieu par excellence.

Pour lui, la miséricorde prend tout son sens et toute sa dimension, si elle s’accomplit dans la réciprocité et si elle s’accomplit dans un ‘’recevoir’’ et dans un ‘’redonner’’. Même si on ne peut se mettre au niveau de Dieu, Jésus nous dit : soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. (Lc 6,36)

C’est cette capacité de ‘’recevoir’’ la miséricorde et de la ‘’redonner’’ qui va sauver saint François en tant qu’homme et faire de lui un témoin de la grâce, c’est-à-dire, un évangélisateur. Dans sa nouvelle vie de sauvé, l’homme nouveau pourra émerger en homme eucharistique, c’est-à-dire, en homme livré et donné par amour et dans l’amour, comme le  Christ.

Regardons l’évènement bien connu du baiser au lépreux, dans les débuts de la conversion de François :

Comme il chevauchait près d’Assise, François rencontre un lépreux sur sa route. Comme il avait une grande horreur des lépreux, se faisant violence, il descendit de cheval et lui offrit un denier en lui baisant les mains. Ayant reçu du lépreux en retour un baiser de paix, il remonta à cheval et poursuivit son chemin. Saint François est travaillé par cet évènement, il en parlera dans son Testament comme d’un évènement capital dans sa vie, il dit : Le Seigneur m’a donné à moi, frère François, de commencer à faire pénitence : parce que, comme j’étais encore dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux; Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je fis miséricorde avec eux. Et quand je les ai quittés, ce qui me semblait amer a été transformé pour moi en douceur de l’âme et du corps. Et après, je retardé un peu et quitté le monde. (Test 1-3)

Là se joue tout l’avenir spirituel de François, là se joue son chemin de sainteté. La pédagogie divine est à l’œuvre et l’entraine dans un dépassement de lui-même et l’appelle à un nouvel état de vie : vivre la fraternité universelle. François est en train de devenir ‘’hospitalité’’ et s’ouvre à la grâce et à la miséricorde de Dieu. Dans cette expérience de miséricorde il découvre dans le frère lépreux la beauté sans limite du Créateur. François accueille sa lèpre – ses pauvretés dans le regard du Christ sous l’apparence du lépreux.

Accompagné par le Christ, François vient de poser son premier acte d’évangélisation, il embrasse la miséricorde de Dieu et apprend ainsi à aimer eucharistiquement. Encore un ‘’reçu’’ et un ‘’redonné’’ de la grâce : François baise les mains du lépreux et il reçoit un baiser de paix du lépreux. Entre Dieu et François, il y a le lépreux miséricordieux. Le lépreux devient ainsi le ‘’relai’’, le témoin d’un  Dieu de miséricorde qui redonne vie. Cela fera comprendre à François que la distance la plus courte entre Dieu et l’homme passe par le prochain. Le réel est à embrasser, si répugnant nous semble-t-il au premier abord, c’est la condition de la joie et de ce qui est amer pour nous, puisse être changé en douceur de l’esprit et du corps, comme François. Embrasser le réel c’est faire expérience de vérité dans notre vie et se laisser ainsi miséricordié par Dieu; et la vérité rend libre, dit Jésus.

La miséricorde ouvre la porte du Ciel et donne à celui qui la reçoit la possibilité d’aimer et de témoigner à son tour de l’amour infini de Dieu et de sa tendresse.

Comme saint François, nous sommes tous et toutes invités à vivre l’expérience de la miséricorde de Dieu. Pour pouvoir faire miséricorde, nous avons besoin de vivre nous-même la miséricorde. Si on ne connait pas la miséricorde, on ne pourra la reconnaître. Il faut connaître – l’expérimenter pour pouvoir la reconnaitre et la donner.

Une fois, nous avons accueilli un jeune homme comme pensionnaire. Un garçon pas facile à vivre, avec de bonnes blessures et défauts…le genre petit roi où tout lui est dû. Nous avons tout fait pour l’aider, l’accueillir, l’aimer, et un jour, lui ayant refusé une demande qu’il faisait, il nous dit fâché : vous ne m’aimez pas – vous me rejetez – je me sens pas aimé, etc… Alors je lui dis ceci : Tu sais Mat lorsque l’on ne sait pas ce que c’est l’amour, on ne peut le reconnaître. Le jeune s’est arrêté, a réfléchi et a commencé un cheminement de croissance. Je pense que c’est pareil pour l’amour – l’humilité – la bonté, la charité, etc… lorsque nous ne connaissons pas une de ces qualités, il est difficile de les reconnaître, surtout chez les autres. De là l’importance de demander de vivre l’expérience de ces vertus, d’en faire l’expérience personnelle pour ensuite en témoigner par notre vie, nos paroles et nos actes. C’est dans ce sens que saint Isaac le Syrien dit à son disciple : Voici mon frère un commandement que je te donne : que la miséricorde l’emporte toujours dans ta balance, jusqu’au moment où tu sentiras en toi-même la miséricorde que Dieu éprouve envers le monde.

Ce soir vous êtes invités à vivre le sacrement du pardon – sacrement de la miséricorde. Vivre le pardon de Dieu est l’expérience fondamentale qui nous permet de réaliser et surtout de toucher concrètement la tendresse de Dieu pour nous personnellement. On demandait à un handicapé ce qui serait arrivé si Jésus ne nous avait pas pardonné sur la Croix. Il répondit ceci : je n’existerais pas. Le pardon miséricordieux du Seigneur nous fait ÊTRE – nous donne l’existence et nous ouvre à la communion. Le pardon brise la dureté du cœur et la miséricorde divine défait les nœuds que cette dureté produit en nous. Saint François dit dans sa 27e admonition : Où règnent miséricorde et discernement, il n’y a ni luxe superflu ni dureté de cœur. Le pardon de Dieu est comme une dynamite qui fait éclater les barrières de la suffisance et de l’enfermement sur soi. Il nous ouvre à l’infini amour du Père et transforme notre cœur et notre âme pour pouvoir dire et vivre : GOÛTEZ et VOYEZ comme est BON LE SEIGNEUR – HEUREUX QUI S’ABRITE EN LUI, le miséricordieux.

Je vous remercie pour votre écoute et que Dieu vous bénisse.

frère Denis-Antoine, fe


Les Franciscains de l’Emmanuel

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